Des collectionneurs se rencontrent pour le meilleur ou pour le pire [Warren / Penny]

Warren avait pris sa journée et il en était bien heureux. Il n’en pouvait plus de voir la sale gueule de toutes ces personnalités imbues d’elles même. Il était une sale gueule aussi, mais c’était bien différent. Il était parti tôt dans la journée. Plutôt que de passer des heures à boire seul, il préférait aller en ville, il y trouvait toujours des choses intéressantes. Il traversa les champs, le bidonville et la barrière. Les gardes commençaient à le connaitre. Après tout, il les manipulait assez bien pour les persuader qu’il était un homme de « confiance ». Ce qui était faux, objectivement. Il arpenta les rues bétonnées et stériles, drapé dans son manteau, cigarette au coin des lèvres. Il s’éloigna un peu du centre, se retrouvant des zones abandonnées.                                         Progressivement, et pour éviter la tentation, les dirigeants avaient évincés la population des bordures du murs. Ils ne devaient pas se poser de questions. Il ne restait que des bâtiments industriels, des immeubles abandonnés et des vieilles décharges. Le collectionneur trouvait toujours des objets intéressants. Il se glissa sous un grillage, pénétrant dans ce qui ressemblait à une grande usine. Tout été rouillé, usé, rongé et sans contrôle. Des plantes avaient repoussé un peu partout et des éclats de verres crissaient sous ses bottes. Après être resté un moment à admirer le lieu, relâchant des bouffées successives, il se décida à se mettre en quête de trucs intéressants. Il s’était penché sur ce qui ressemblait à des produits chimiques dans des étagères lorsqu’un bruit métallique résonna dans le silence. Il faisait sombre, malgré les baies vitrées du toit. Il plissa ses yeux brillants, murmurant d’une voix semi amusée, semi agacée
"Qui est là ?"


Ce jour là, comme bien d’autres où elle n’avait rien de particulier à faire, Penny était partie explorer des bâtiments abandonnés. Elle n’avait pas encore autant de travail que ses supérieurs et profitait d’un nombre de jours de congés plus importants. Découvrir ces vestiges était donc un moyen pour elle de ne pas s’ennuyer à mourir, il y avait toujours un peu d’aventure et d’adrénaline dans cette activité.
Elle progressait ainsi à travers une usine désaffectée qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion d’explorer auparavant, sans réel but, peut-être pour y trouver des vieilleries intéressantes ou juste profiter de l’atmosphère atypique du lieu. La bâtisse lui semblait immense, vide de toute occupation humaine, et elle ne s’embarrassait pas vraiment à être discrète.
Elle ne s’était cependant pas rendue compte qu’elle n’était pas seule dans la grande bâtisse, et entendit soudainement une voix résonner derrière elle.
Penny se tourna promptement vers celui qui avait prononcé ces mots, et passé un petit instant de surprise elle leva les mains comme si on braquait une arme sur elle, arborant un grand sourire.
“Mince alors, je me suis faite repérer…”
Elle observa un instant l’homme, qui se tenait à une certaine distance. Elle ne voyait pas bien son visage, mais décida de ne pas s’approcher plus d’un petit pas dans la lumière.
“Je pensais que plus personne ne venait ici depuis longtemps!” lança t elle à nouveau pour combler le silence, conservant une expression radieuse. A bien y regarder, le type n’avait pas l’air dangereux -- en apparence.


Warren avait haussé un sourcil surpris en voyant une silhouette lever les mains en l’air. Il resta statique, une cigarette a la main, un peu sur ses gardes. C’était une situation plutôt cocasse. C’était une jeune femme aux cheveux courts et au sourire goguenard. Elle s’avança dans la lumière, mais le charlatan resta dans l’ombre, l’observant silencieusement de ses yeux bruns. Plus personne ? Il était vrai. Rare était les gens qui allaient dans les décharges ou les bâtiments désaffectés. C’était interdit, après tout. Elle semblait bien détendue, pour se retrouver face à un inconnu. C’est vrai que Warren n’était pas excessivement impressionnant. Aussi petit et fin qu’une jeune fille, il n’avait rien de menaçant. Le jeune homme ne s’avança pas, restant immobile en jaugeant l’autre du regard, émettant un léger ricanement
« T’inquiète, on est tous les deux en tort. Il ne faut pas nous en vouloir, on trouve toujours des choses intéressantes ici, n’est-ce pas ? »
Il avait parlé lentement, n’ayant pas lâché la jeune femme du regard. Hm il se demandait simplement, avec curiosité, de quel bord elle était. Surement pas noble, ou alors ado rebelle ? Exploratrice des temps urbains ? Il ne fallait pas trop aimer les lois, pour venir dans ce genre d’endroit. Ou alors avoir une bonne raison. Le garçon n’était pas particulièrement intéressé par l’inconnue. Mais il n’avait rien contre un peu de conversation, maintenant qu’il y était. C’était toujours intéressant, de rencontrer des gens. Et puis, pas besoin d’utiliser son pouvoir, du moins pour l’instant. Ça pouvait être amusant.


Penny resta encore un petit moment à l’observer, plissant des yeux dans l’obscurité pour essayer d’y voir un peu mieux. Au final, ne voyant aucun danger assez gros pour l’en éloigner, elle s’approcha à nouveau un peu plus, les mains dans les poches, toute aussi détendue qu’auparavant.
“Ca oui! Je vois qu’on est ici pour la même chose, alors!” répondit-elle, un air malicieux sur le visage.
En regardant de plus près, le jeune homme avait l’air bien élégant pour venir dans ce genre de dépotoir. Enfin, pour quelqu’un qui semblait être un collectionneur avisé, peut-être même noble, ça n’était pas si surprenant. A côté, Penny avait l’air négligée avec son pantalon sali de poussière. Elle continua dans un petit rire, ne se dépeignant pas de son expression qui se voulait avant tout sympathique.
“Attention à pas me piquer mes bons plans, par contre, hein! Premier arrivé, premier servi!”
Elle ne comptait pas faire de l’inconnu son ennemi en disant cela, c’était une simple boutade comme elle en faisait souvent. Elle verrait bien comment il réagirait. Après tout la jeune scientifique ne cherchait pas les ennuis, bien que certains puissent parfois penser le contraire.


Elle était bien mignonne à sourire comme ça. Elle ne semblait pas se méfier. Aucun danger ? Pas si sûr. Warren aurait bien testé, voir si elle était du genre réceptive, pour la faire un peu flipper… Mais il préféra patienter un peu, se peignant lui aussi d’un grand sourire charismatique. Il décida de jouer le jeu du bon samaritain, pour l’instant. Elle semblait le chercher un peu, mais c’était amusant. Il reconnaissait dans son ton, le fameux sarcasme dégoulinant qu’il employait si souvent.
« La compétition risque d’être rude, miss… ? »
Demanda-t-il, s’avançant à son tour dans la lumière d’un pas félin, une demi lune flottant sur ses lèvres. Et bien. Quelle confiance, même pas besoin d’utiliser une quelconque… Influence, pour la persuader de sa bonne foi. Agir naturellement ne devrait donc pas être un problème. Ses yeux brillèrent quelques secondes, d’un éclat doré.
« Tu cherches quel genre d’objets ? Pardonne ma curiosité, je ne rencontre pas souvent des amateurs de ce genre de pratiques. »
C’était vrai. Même dans le monde extérieur il y avait très peu de collectionneurs, surtout des chercheurs d’or. Lui ne voulait pas trouver de choses à revendre, même si ça pouvait rapporter. Il était plutôt du genre à amasser pour l’admiration des objets.


Penny observa l’autre s’avancer, ils étaient maintenant assez proches.
“Pénélope! Mais apelle moi Penny.” fit-elle avec une petite grimace.
Elle tendit la main vers l’inconnu, s’attendant à ce qu’il se présente à son tour. Elle confronta son regard pendant un instant et crut y voir un reflet étrange l’animer juste le temps de quelque secondes. C’était pour le moins intriguant… Mais peut-être n’était-ce qu’une hallucination. Les yeux de la jeune fille n’étaient pas encore bien habitués à la lumière ambiante. De toutes façons, ils passèrent rapidement à autre chose.
“Oh, n’importe quoi qui m’a l’air intéressant, même si c’est juste des déchets…”
Elle porta son attention sur le sol sale et couvert de ferraille en tout genre, que le temps et les rares passages d’intrus semblaient avoir laissé étrangement intactes. Une petite pièce de métal brillait sous un rai de lumière et elle se baissa pour le ramasser, avant de l’exposer complètement dans la clarté du jour pour l’observer plus distinctement. C’était une petite roue dentée, qui devait certainement faire partie d’un engrenage complexe au départ. Elle n’avait rien de vraiment spécial, si ce n’est son éclat épargné par la rouille.
“Comme ce truc. Ca vaut que dalle et ça sert à rien sans le reste de son mécanisme enfin… Ca pourrait bien me servir un jour.” rajouta t elle, l’air énigmatique.
“Et toi ? Tu cherches des trésors ? Y’a rien que des vieilleries ici!”
Elle rigolait à nouveau mais ne lâchait pas le garçon des yeux, intriguée.


Warren avait conservé son demi sourire, la suivant du regard alors qu’elle se penchait pour ramasser un petit engrenage. Il cilla, se passant une main dans les cheveux distraitement avant de s’approcher d’un pas lent. Il se pencha vers la pièce que la jeune femme tenait dans les mains avec une petite moue amusée
« Ho il me semble que c’est une pièce d’horlogerie. Une montre peut-être. » Il eu une pause, se redressant un peu, enfonçant ses mains dans ses poches, observant autour de lui, la lumière tamisée caressant son teint basané. Ses yeux s’éclairèrent un peu. Ho, au moins ils n’avaient pas des intérêts si différents. C’était plutôt intéressant. Il toussota en attrapant sa main d’un geste tranquille.
« Warren, pour vous servir. » Il s’arrêta avant d’ajouter
« Un peu pareil. Je collectionne. Je gagne assez bien ma vie pour ne pas avoir à vendre ce que je trouve. Ma maison est une archive ambulante, mais c’est ce que j’aime, je crois. Si je disparais, elle contiendra l’histoire d’une vie. »
Dit-il doucement, d’un ton un peu énigmatique. Un monde différent. Elle avait confiance, peut-être le prenait-elle pour un noble. Ce serait plutôt amusant, étant donné qu’il n’était rien d’autre qu’un prostitué et un vendeur de rêve. Il soignait son image pour qu’on ne puisse pas voir ce qui trainait en dessous. Certains le voyait mieux que d’autre, et ceux qui ne le remarquait pas étaient les plus facilement manipulables. Mais aussi ceux avec qui il pouvait discuter. Il s’apprêtait à ajouter quelque chose quand un grincement de porte retenti à l’extérieur. Warren sursauta un peu, alors qu’il apercevait une silhouette. Aie, peut-être un gardien du secteur, il recula, soufflant avec presque un rire dans la voix « Zut, cachez-vous Penny. »


“Ah ! Toujours bon à savoir.”
Elle se releva, enfonçant la pièce de métal dans une de ses poches.
“enchantée !” dit-elle en pensant déjà à tous les surnoms qu'elle pouvait donner à Warren si ils devenaient un peu plus familiers. Elle l'écouta parler, observant toujours son visage avec attention et siffla d’admiration. Elle avait là affaire à un invité de choix, si on pouvait le qualifier ainsi.
“Trop bien ! J'aimerais bien faire pareil, mais bon, j'ai…”
Elle s'arrêta brusquement à l'avertissement du jeune homme.
Penny était plutôt familière à ce genre de situations, être surprise dans ses ballades lui arrivait de temps en temps dans certaines parties plus surveillées du quartier. Pourtant elle ne s’en plaignait pas, ça rajoutait quelque chose d’excitant au moment, et elle arrivait toujours à s'en tirer à bon compte.
Feignant un air surpris, elle courut s’abriter subrepticement derrière une des armoires en contreplaqué qui se tenaient dans la grande pièce. Pas très solide comme cachette certainement, mais au moins on ne la voyait pas. Juste à temps. Un type baraqué et à l'air peu sympathique venait de pénétrer dans le bâtiment, regardant à droite à gauche. Si ils avaient de la chance, peut-être que ce serait juste un promeneur comme eux mais il n'en avait pas trop l'allure. Le mieux était de se taire pour l'instant.


Warren pouffa en se glissant derrière l’armoire, à la suite de Pénélope. Il s’accroupit, posant une main au sol gardant un doigt sur ses lèvres pour intimer le silence. C’était plutôt amusant. Ils pouvaient voir l’homme qui était rentré dans le bâtiment, un garçon de grande taille et assez bien bâti. Le collectionneur se pencha un peu, le dévisageant. Ho… Il était habillé dans un bleu de travail, avec une casquette, de grandes bottes et bien sur, une arme de service. Bien mise en évidence. Le garde grogna de nouveau « QUI est là ? Sortez, je vous ai vu de dehors. »
Warren tiqua un peu. Bah, ils pouvaient simplement sortir, ils n’étaient pas trop en tort. Une petite amande et un avertissement, rien de grave. Mais le jeune homme n’avait pas envie de partir maintenant. Et puis en fait il n’était même pas autorisé à être en ville. Il était un intru. Ou plus clairement, un mutant. C’était cependant l’occasion de s’amuser un peu. Il jeta un coup d’œil à la jeune fille qui malgré son expression statique semblait se délecter de la situation. Peuh, il ne pouvait pas vraiment jouer le chevalier sauvant une dame en détresse… Il allait plutôt la jouer fou de la reine. Il eu un rictus et lui intima de rester là ou elle était. Il se redressa légèrement, guettant une éventuelle sortie. Mais le bâtiment était clairement fermé, les fenêtres enclavées par de grosses briques grises. Bon, pas le choix.
« Je suis là. » Dit-il en prenant l’air le plus faussement fautif et chien battu du monde, sortant de la cachette les mains en l’air.
« Désolé m’sieur, je ne savais pas que c’était interdit. » Il s’approcha lentement mais le plus possible. Ses yeux brillèrent d’un léger éclat doré alors qu’un sourire éclairait son visage.
« Tu te fous de ma gueule ? T’as pas vu l- » Le garde qui commençait à l’agresser se stoppa net. Sur son visage se lisait une nette et violente frayeur.
« Bah alors ? Vous avez perdu votre langue ? » Ricana Warren alors que l’autre reculait précipitamment. Hm. Il était très réceptif, pour un gros baraque comme lui. Comme quoi, le corps ne faisait pas tout. La manipulation empathique ne venait que de l’esprit. Il éclata de rire en enfonçant ses mains dans ses poches, marmonnant « Bon ben je suppose que je lui ai fait peur. Je suis si flippant que ça ? » demanda-t-il en haussant la voix, jetant un coup d’œil a l’armoire.  Il allait surement revenir, peut-être qu’il ne fallait pas trop trainer ici.


Penny fût assez surprise de voir l’autre confronter le garde ; mais après tout, si il était bien un noble comme elle le pensait, il n’aurait pas trop de mal à les sortir de cette situation épineuse. Elle l’entendait déjà se confondre en excuses depuis sa cachette.
La jeune fille ne voyait pas grand chose de ce qu’il se passait. Warren était dos à elle; tout ce qu’elle pouvait apercevoir, c’était le visage du garde. Il était soudainement devenu aussi pâle qu’un cachet d’aspirine, et avait fui sans rien rajouter. Le changement avait été si abrupt que Penny n’avait pas pu s’empêcher de sursauter. Elle n’avait pas rêvé, non? Tout s’était passé très vite, mais maintenant elle était convaincue que l’étrange inconnu avait quelque chose de surnaturel. C'était impossible autrement. Qu’est-ce qu’un gros dur comme ce type avait bien pu voir dans son visage qui l’ai effrayé à ce point, si ce n’est quelque chose de surhumain?
La menace clairement hors de vue, elle se leva et rejoignit l’autre, l’air hagard mais quelque peu impressionné.
“J’ai déjà vu des gens plus badants, j’avoue…”
Elle pouffa comme d’habitude, mais reprit un air un peu plus sérieux.
“J’en ai vu des trucs bizarres… Mais ça c’était autre chose.”
Elle s’approcha, parlant un peu plus bas. Un sourire malicieux peignait ses lèvres à nouveau.
“...Entre nous, ça n’a rien d’humain, je me trompe? T’inquiète, je suis pas du genre à rapporter, mais j’aimerais juste savoir ce que tu lui a fait pour qu’il réagisse comme ça.”
Penny était de nature beaucoup trop curieuse, on lui avait souvent dit. Elle contenait avec un peu de mal l’excitation qu’elle ressentait toujours quand elle rencontrait un mutant, pour ne pas paraître trop louche, mais elle ne pouvait pas s’empêcher d’avoir l’air d’un enfant qui attendait son histoire du soir, les yeux pétillants.


Que quoi ? Warren avait vu la jeune fille s’avancer à grands pas vers lui, le visage illuminé par on ne sait quelle pensée. Il recula d’un pas en la voyant s’approcher de plus en plus prêt, mais garda son sourire, quoique, les sourcils froncés. Ho. Elle était… Perspicace. Ou alors elle en connaissait un rayon sur le sujet, vu a quel point elle semblait intéressée. Il cilla et se pencha brusquement vers elle
« Bouh ! » Bon bien sûr, ça n’avait aucun effet. Il ricana en mimant une fausse moue déçue et soupira en se passant une main dans les cheveux.
« Ho mais rien, je fais juste très très peur…Oui. Je sais, ce n’est pas crédible. Avec mon visage d’angeee » Il avait remué les cils  avec un sourire en coin avant de pouffer de rire.
« Ha qu’elle journée. Soit dit en passant… Tu n’as pas peur de moi ? Je pourrais être…dangereux. »
Il s’était rapproché d’elle, posant un doigt sur son front pour lui donner… Une pichenette. Il ne savait pas qui elle était. Mais elle ne le connaissait pas non plus. Cependant, son intérêt était peu…Commun.
Elle semblait avoir deviné, qu’il n’était pas normal, et elle agissait comme une enfant devant un cadeau. Un peu plus, et elle allait le kidnapper ! Il n’avait pas peur d’elle, même si elle pouvait appeler quelqu’un à tout moment. Il ne craignait pas les habitants, les nobles, les scientifiques ou même l’empereur. Il avait appris à se…protéger. Dresser des barrières.
« Tu m’as l’air bien intéressée… Tu es amateure d’étrange ?»
Il n’avait pas encore admis qu’il était mutant et ne préférait pas le dire à voix haute pour l’instant.
Ainsi, elle n’aurait pas de preuves tant qu’il n’était pas sur qu’elle ne soit pas prête à le capturer pour le ramener on ne sait où. Ho bien sûr, il pouvait lui faire une petite démonstration, de son contrôle empathique, mais où était le jeu là-dedans ? Il n’était pas un méchant de roman, il n’avait aucune intention de lui faire du mal. Il cherchait seulement la distraction. Il avait ramené une mèche derrière son oreille, la jaugeant du regard en croisant les mains dans le dos.


Penny roula des yeux, l’air peu convaincu. Warren ne semblait pas vouloir lui avouer ses secrets, ce qui était compréhensible mais la patience n’était pas son fort.
“Ouais, c'est ça, super effrayant !"
Il se la jouait bien mauvais garçon mystérieux et Penny trouvait ça presque agaçant, mais pourtant il réussissait toujours à l’intriguer. Elle ne pouvait tout simplement pas le prendre au sérieux, vu son comportement.
“Et alors? Moi aussi je pourrais l’être, tu sais p…Hé!”
Elle n’avait pas eu le temps de finir sa phrase que l’autre lui avait fait une pichenette sur le front. Sans réfléchir, elle réagit d’un coup de pied dans le tibia de son interlocuteur. C’était peut-être un peu disproportionné comme réaction, mais il l’avait un peu cherché se disait-elle. Un air faussement désolé s’était dessiné sur son visage.
“Oups, pardon… Réflexe!”
Elle rigola d’un air moqueur, et essuya son pull d’un geste pour enlever la poussière, reprenant un peu son sérieux.

“Ouaip! Sans me vanter, tout ça, ça me connaît… Je finirais bien par te faire cracher le morceau…"
Elle avait parlé un peu plus bas pendant sa dernière phrase, réfléchissant à quel plan elle pourrait élaborer pour parvenir à ses fins. Une fois que la jeune fille était fixée sur quelque chose, elle n’en démordait pas. Elle reprit l’air de rien, les mains dans les poches.
“...Après tout, ça fait partie de mon métier, maintenant!” fit-elle dans un léger sourire amusé.


Warren avait à peine eu le temps de réagir que l'autre lui avait déjà donné un méchant coup dans le tibia. L'oeil un peu interloqué, il avait reculé en s'exclamant d'un "Aïe !" Suivi d'une expression douloureuse. Il se pencha sur son genou en grimaçant, lui jetant un regard noir. Quelle réaction gargantuesque pour une simple petite pichenette ! Et la "princesse" ne semblait même pas désolée. Ouch ça lui apprendra à être gentil et familier. Plus de pitié !
Il avait eu une pose en l'entendant se vanter de son métier... Et quel métier ? Il cilla quelques instants. Il ne fallait pas être devin pour comprendre qu'elle était certainement scientifique. La population était anesthésiée au sujet des mutants, les habitants comme les nobles, et les seuls qui étaient au courant étaient les proches de l'empereur, les militaires et
... les scientifiques. Et au vu de ses manières... Hop là ! Il se redressa brusquement en esquissant un sourire grimaçant "En effet, je t'ai peut-être sous-estimé ! Ton cynisme n'a d'égal que ta brutalité !" Il avait reculé en soufflant ces mots, esquissant une petite révérence "Et je ne discute pas avec les gens indélicats, à jamais !"
Des paroles cyniques et ironiques en effet. Et une fuite vivace. En quelques pas il s'était retourné et avait fuit vers l'immense porte en verre. Il avait éclaté de rire en courant, sautant par dessus des décombres. Il se faufila sous un grillage, bifurquant à droite et à gauche pour semer une éventuelle poursuivante. Que c'était drôle. Il n'avait pas eu de raison SI particulière de fuir mais elle ne semblait pas vouloir le lâcher... Il n'avait pas envie de se réveiller dans un centre de recherche, attaché à des sangles derrière une vitre blindée. (Vécu...) Un peu essoufflé il entra dans un bâtiment qui ressemblait à une très vieille église, des écho retentirent dans le monument recouvert de plantes, la toiture arrachée par on ne sait quelle catastrophe.


“Eh, attend!”
Penny se lança à sa poursuite sans réfléchir, surprise ; mais il était plutôt rapide, le bougre, et il n’avait pas tardé à la semer. Elle se fiait tant bien que mal aux bruits de pas qui résonnaient un peu partout, mais visiblement, elle l’avait bel et bien perdu de vue.
La course l’avait menée dans une petite cour carrée, dont le sol pavé était couvert de mousse et de débris en tout genre. Il lui semblait qu’elle s’était égarée à son tour. La jeune fille grogna tout en levant les yeux vers le ciel gris, encadré par les hauts bâtiments désaffectés.
“indélicat, indélicat… Ca va, j’ai même pas fait exprès…” souffla t elle entre ses dents, l’air dépité. En vérité elle s’en voulait un peu d’avoir fait fuir Warren, ce n’était pas souvent qu’elle croisait ce genre de personnes, surtout en pleine ville. Elle reprit la marche un peu plus calmement, c’était peut-être peine perdue pour le retrouver, enfin elle n’avait rien à perdre après tout. Autant essayer. Penny regarda un moment les alentours, tout semblait désert, comme d’habitude. Même pas l’ombre d’un garde à l’horizon.
“Pardon… J’ai pas fait exprès, je te dis, je suis pas une psychopathe moi!” s’écria la scientifique dans le vide. Elle attendit un petit moment, mais la brise ne lui ramena aucune réponse. Elle soupira avant de se gratter la tête d’un geste las. Une partie d'elle lui disait qu'elle ferait mieux d'abandonner, mais… Elle ne pouvait pas s'y résoudre. La situation était beaucoup trop intéressante. Tant pis si l'autre le prenait pour une folle, elle devait en savoir plus.
“Bon, très bien, le cache-cache ça me connaît…" rajouta la jeune fille tout bas, tout en continuant sa marche à travers les bâtisses abandonnées. Elle finirait bien par lui tomber dessus, s'il n'était pas déjà sorti de la zone.


Warren avait couru quelques instants, ses bruits de pas résonnant sur le sol pavé. Un peu haletant, il ralentit un peu, à l’écoute des différents bruits des vieilles bâtisses. Le silence lui répondit. Essoufflé, il posa ses mains sur ses genoux en rigolant. Ha, cela faisait un moment qu’il ne s’était pas amusé comme ça. Il avait dû la semer. Oui, bon, il n’était pas bien fort physiquement, mais au moins il était rapide et agile. Ça l’aidait bien dans la vie de tous les jours, d’être souple. Il releva la tête vers la voute arrachée de l’église. Il y avait deux étages, un immense orgue rouillé trônait tout en haut. Les vitraux renvoyaient des lumières douces et voluptueuses, bien que la pièce soit sombre.
Il arpenta les rangées de banc usés. Des débris de toiture, de métaux et de bois recouvraient le sol. Il se dirigea sur un petit promontoire ou une ancienne icone religieuse reposaient, la tête arrachée. Depuis que la famille Illustrious avait prit la tête de la cité, toutes les églises avaient été rasées. La religion ne leur servait pas, ils devaient être les uniques dieux de la ville et des habitants. Celle-ci avait survécu, en dehors de la zone urbaine… Il caressa distraitement du bout des doigts une nappe jaunie et poussiéreuse. Le bâtiment avait été pillé bien entendu, mais il pouvait toujours explorer un peu. Un bruit dehors le fit sursauter.
« Ho flute ! »
S’exclama-t-il en se baissant brusquement derrière une table de cérémonie. Cette pénélope ne devait pas être loin… Elle était déterminée celle-là. Elle devait se trouver dans la petite cour, derrière l’église. Warren grimaça, avançant discrètement jusqu’à des petits escaliers en escargot, qui menait au deuxième étage de l’église.
Il se pencha vers une fenêtre brisée. Ha… Elle était juste-là. Hm. Il s’accouda, le sourire aux lèvres. Tiens donc… Elle voulait le capturer à ce point ? Elle marmonnait toute seule. C’était mignon comme tout. Mais il ne se laisserait pas attraper si facilement. Et il n’allait pas utiliser son pouvoir pour lui faire plaisir. Il se pencha un peu plus, s’accroupissant à la fenêtre, les jambes dans le vide.
« Dites-moi Penny, vous avez si envie que ça de me connaitre ? Pourquoi êtes-vous intéressée par moi ? »
Il avait parlé bien fort, la regardant de haut, baigné de lumière.


Penny sursauta. Eh bien… Son instinct avait vu juste, elle avait fini par le retrouver!
Elle leva la tête, cherchant un instant d’où provenait la voix, presque comme si elle pensait à une hallucination. Elle finit cependant par voir la silhouette de Warren se découper sur le ciel, à contre jour, et laissa échapper un soupir de contentement.
“Ah! J’en étais sûre!”
Elle marqua une pause, cherchant des yeux l’entrée du bâtiment.
“Oh, je m’ennuie, c’est tout… Alors quand quelque chose pique ma curiosité, j’aime bien en savoir le plus possible! Satisfaction personnelle...”
La jeune fille s’approcha de l’embrasure d’une petite fenêtre, qui avait dû certainement être ornée de vitraux auparavant, à en juger par les débris de verre colorés qui jonchaient le sol. Elle pouvait apercevoir un petit autel en marbre, plutôt abîmé, sur lequel reposaient de lourds bougeoirs, sans doute trop encombrants pour être volés. Malgré l’état déplorable du lieu, il ne semblait pas avoir perdu de sa prestance. Penny hésitait à pénétrer dans la bâtisse, mais elle décida simplement d’attendre un peu. Elle fit un pas en arrière et releva à nouveau la tête; plissant les yeux face à la lumière aveuglante.
“Et toi alors… Si tu avais si peur que je te fasse quelque chose, tu te serais enfui dès que tu m’aurais vu à nouveau, non? Tu veux me narguer, c’est ça?”
Un sourire malicieux flottait à nouveau sur ses lèvres. Quelque chose lui disait qu’elle n’était pas la seule à apprécier ce petit jeu, et elle comptait en profiter.