Tu m'as aidé ce jour là [Lia / Nitsa]

Une pièce. Cela faisait des années qu’elle vivait dans cette pièce, elle en connaissait les moindres recoins. Le dehors. C’était autre chose. La seule chose qu’elle connaissait du dehors c’était la petite parcelle de jardin qu’elle pouvait voir depuis l’unique fenêtre de la pièce. C’était là les seules choses qu’on pouvait dire de cette pièce. Une fenêtre… et une porte. Cette porte qui d’habitude était infranchissable. Il était revenu il y a une vingtaine de minutes. Cette fois il n’avait fait que la frapper un peu. Elle avait mal à la tête, avait une égratignure sur le front. Une de plus ou une de moins ce n’était pas important. Mais cette porte… elle avait bougée. Sans doute le courrant d’air... Mais elle ne devait pas bouger normalement ! Alors pourquoi ? Son père avait été imprudent. Il avait commit une faute sans s’en rendre compte.
Lia avait constaté avec un certaine émotion indescriptible que la porte était donc ouverte. Elle. Pouvait. Sortir. Un miracle pareil ne pourrait pas se produire deux fois. En s’approchant, ses mains tremblaient un peu, du bout du doigt elle poussa la porte qui s’ouvrit un peu plus. Elle recula un peu surprise, se sentant un peu bête. Non, ce n’était donc pas un rêve. Elle décida de passer la tête. Personne dans l’immense couloir non plus. Le destin lui avait offert un choix. C’était maintenant ou jamais.
C’est donc comme ça que sa journée avait commencé, elle était bouleversée mais devait retenir le moindre bruit provenant de son corps. Le son de ses pieds nus, de sa respiration affolée. Lia avait activé son pouvoir d’invisibilité mais elle ne pourrait pas tenir très longtemps comme ça, surtout que sa disparition pourrait vite être découverte. En cherchant la sortie elle était tombée sur une pièce où elle avait récupéré une cape rosâtre, assez utile quand on est vêtue d’une simple robe. Mais maintenant il fallait réellement s’échapper de ce domaine, aussi grand soit-il. C’était plutôt facile en fait, vu que personne ne la voyait, personne ne pouvait lui barrer le chemin. Elle avait trouvé la sortie, elle était enfin dehors. Dans le vrai dehors.
La voilà maintenant dans la ville, loin de chez elle, tout lui était inconnu mais elle était trop fatiguée pour découvrir tout ça. Elle avait peur de se montrer mais elle ne tiendrait plus longtemps, son pouvoir lui rongeait toute son énergie. Il fallait qu’elle se mette à l’abri en vitesse… au moins cachée des regards…
Lia s’était aventurée dans une ruelle, dissipant son pouvoir dans un très légé nuage rosé, elle était redevenue visible… Puis s’écroula sous la fatigue. Elle n’était pas habituée à autant d’efforts et avait fini par s’évanouir.


Cela faisait plusieurs jours que Nitsa avait été envoyée en ville. Elle avait pour mission d’obtenir le plus d’informations possibles sur les activités des nobles et surtout sur les expériences menées par ces personnes sur les mutants comme elle. L’une des missions de son groupe été de sauver les personnes comme elle et pour cela, ils avaient besoin de connaître le mieux possible leurs ennemis. Ils étaient un petit groupe à être entrés en ville cette fois-ci grâce aux pouvoirs de plusieurs d’entre eux. Nitsa dirigeait une partie du groupe mais tous les membres étaient séparés et même elle ne savait pas exactement où ils se trouvaient. C’était une tactique qui permettait de sauver le reste du groupe s’il l’un des membres venait à se faire prendre et torturer. Chacun savait ce qu’il avait à faire mais aucun ne savait ce que faisaient les autres.
En l’occurrence Nitsa devait s’introduire dans une maison de nobles afin de trouver le laboratoire à l’intérieur et d’obtenir le plus d’informations possibles. Elle avait réussi en s’introduisant de nuit par le toit grâce à son pouvoir qui lui conférait une grande agilité. En traversant les conduits d’aérations et grâce aux plans qu’elle avait mémorisés, elle avait fini par trouver ce pourquoi elle était là. Ce qu’elle avait pu voir là-bas aurait été insupportable pour la plupart des gens, mais elle savait pourquoi elle faisait cela et elle ne pouvait pas abandonner.
Elle avait pour ordre de ne sauver personne qui se trouvait prisonnier dans le laboratoire. Il ne fallait pas se faire remarquer maintenant. Cela été pourtant si dur quand on voyait des hommes, des femmes et des enfants comme ça. Elle savait qu’elle avait échappé de peu à ce sort quand elle était enfant, mais elle n’avait pas le temps de se lamenter. Cela entraverait ses actions sinon.

A présent elle était en ville attendant les prochains ordres de ses supérieurs. Elle avait assez d’argent pour rester encore plusieurs jours. Elle avait de quoi acheter à manger et se payer un chambre dans un hôtel convenable mais elle préférait dormir dans les ruelles calme loin de tout le vacarme quotidien. Elle dormait donc le jour dans une impasse et se baladait en ville la nuit. C’était sans doute plus prudent.
Adossée contre un mur, Nitsa dormait d’un sommeil léger bercée par le chant de quelques oiseaux et les rayons du soleil. C’était bien les seules choses qui lui rappelaient la nature ici.
Des bruits de pas vinrent réveiller la jeune fille. Elle se leva lentement en baillant. Elle ne pouvait même pas dormir tranquillement, vivement le retour chez elle, la ville n’est amusante qu’un temps.
Un bruit plus fort, comme celui d’une chute se fit entendre dans la ruelle qui reliait l’impasse au reste de la ville.
Nitsa traversa l’impasse puis regarda à gauche : rien à signaler. A droite, à sa grande surprise, quand elle tourna la tête dans cette direction elle découvrit une jeune fille d’à peu près son age allongée par terre. La rebelle s’avança vers le frêle corps inerte puis s’accroupit.

« Hey toi ! »

Pas de réponse. Pourtant son pouls était normal. Elle devait sans doute s’être évanouie, comme ça, au beau milieu de nul part. Nitsa haussa les épaules. Elle n’allait quand même pas la laisser là toute seule. La jeune fille aux yeux oranges hissa alors l’inconnue sur son dos. Elle remarqua qu’elle n’avait pas de chaussures, encore plus étrange. Pour le moment le plus important était de la mettre à l’abri. Elle avança jusqu’à l’impasse où elle se trouvait quelques instants auparavant en faisant attention de ne pas laisser ses pieds traîner par terre. Son petit gabarit n’était absolument pas pratique pour porter un corps même si celui-ci n’était pas beaucoup plus grand qu’elle.
Une fois dans l’impasse, elle allongea la jeune fille par terre, près d’un mur à l’ombre et la mit en position latérale de sécurité comme on lui avait apprit à le faire. Elle sortit un mouchoir en tissu de sa poche et l’imbiba ensuite d’eau afin de rafraîchir son visage. Lorsqu’elle approcha le bout de tissu du front de l’inconnu, celle-ci ouvrit les yeux. Nitsa fut légèrement surprise mais ne recula pas pour autant, trop intriguée par celle qui lui faisait face. Après quelques instants, elle lança simplement :

« Salut toi. Est ce que ça va ? »


Lia avait souvent eu des moments d’absences dû à son corps très frêle mais cette fois ci c’était encore plus fatiguant. Il ne fallait pas qu’elle se laisse avoir par l’envie de dormir, pas ici. Pourtant son corps refusait de bouger, elle ne vit que du noir. Il ne se passa pas beaucoup de temps mais pour elle, c’était encore plus rapide, que quelques secondes. Sans pouvoir faire quoi que ce soit, c’est peu à peu que Lia refit surface. Quelque chose avait rafraîchit son visage, de quoi la sortir de son sommeil. Elle avait ouvert les yeux doucements, pointant son regard rose sur une personne. C’était cette personne qui venait de lui demander si ça allait.

« Oui ça va… Qui êtes vous monsieur ? »

Elle n’avait pas sursauté à cause de la fatigue mais était quand même surprise. Qui était ce garçon aux yeux de feu?

« Pourquoi vous me mettez de l’eau dessus ? Je… Je suis ici depuis longtemps ? »

Lia s’était relevée tout aussi lentement qu’elle avait ouvert ses paupières, observant l’autre plus nettement. Il avait l’air d’avoir à peu près son âge, c’est la première fois qu’elle rencontrait quelqu’un de jeune comme elle, après tout elle n’avait connu que ses parents et quelques domestiques.


"Oui ça va... Qui êtes vous monsieur? "
Ah... Il fallait croire que Nitsa devait paraître virile en face de la jeune fille. Ou bien elle ressemblait juste à un gamin qui sortait du lycée.

"Ne m'appelle pas monsieur s'il te plait."

La fille aux grands yeux roses qui se trouvait en face d'elle avait beau l'avoir vouvoyée, Nitsa ne comptait pas faire de même. Elle ne le faisait d'ailleurs quasiment jamais. Le tutoiement était quelque chose de plus simple et naturel pour elle alors à quoi bon se fatiguer à vouvoyer quelqu'un. Elle lui avait lancé une formule de politesse ce qui était déjà suffisant pour elle.

"Je suis simplement quelqu'un qui aime la liberté et qui se trouvait par hasard non loin de là où tu t'es effondrée. "

Elle fit une pause.

"Je m'appelle Nitsa. Et toi?"

Elle lui donna son prénom mais bien évidement ne dit rien de son nom. Si elle sentait que cette fille n'était pas une personne normale , elle était encore incapable de savoir s'il s'agissait de quelqu'un qui travaillait pour le compte du gouvernement ou de nobles et encore moins si elle était capable de la dénoncer.
Après tout, c'était ce que faisait la plupart des gens. Ils vivaient dans la peur alors s'ils ne voulaient pas mettre leur vie en danger, ils faisaient tout pour montrer au gouvernement qu'ils coopéraient. L'Histoire avait déjà montrait que c'était le comportement humain le plus récurent dans ce genre de situation et à vrai dire Nitsa pouvait le comprendre. Peut-être qu'après tout, elle aurait fait pareil si on lui avait laissé le choix. Mais ce qu'elle était, elle ne pouvait le changer alors elle devait se battre pour elle et les gens comme elle.

"Si je t'ai mis de l'eau c'était simplement pour te rafraichir le visage et te ramener à toi. Je dirais que nous sommes ici depuis environ 15 minutes."

Nitsa n'avait pas regardé sa montre mais le soleil n'avait pas beaucoup bougé. Elles n'étaient pas ici depuis longtemps.

"Que faisais tu ici? Je ne connais pas beaucoup de gens qui se baladent ici et encore moins qui se baladent pieds nus."

Elle esquissa un léger sourire. Elle ne souriait pas beaucoup mais on lui avait appris que sourire rassurait les gens, alors elle s'executai. Et puis ce n'était pas désagréable.


Il ne s'agissait pas d'un homme ? Oh mon dieu quelle erreur elle venait de faire ! Mais il fallait avouer que cette personne avait un physique assez androgyne. Elle se présenta avec un minimum d’information, ce qui était déjà assez pour la brune qui n’était pas assez curieuse actuellement pour vouloir en savoir plus. Peu à peu en reprenant ses esprits, Lia constatait qu’en effet elles n’étaient qu’à quelques pas de là où elle s’était arrêté. Nitsa lui expliqua aussi pour l’eau, c’était une question un peu bête en même temps maaaaais elle venait de ressurgir...

« J-Je suis désolé ! C’était... très déplacé. »

Sa sauveuse venait de faire allusion à ses pieds qui n’étaient visiblement pas chaussés. Déjà un peu honteuse, son réflexe fut de se rendre invisible. C’était plus facile. Cachée, elle pouvait se dire qu’on ne la fixait pas du regard. Ce qui était bête vu qu’on l’entendait quand même.

« Je n’ai pas pu en récupérer, c’est aller si vite… Je ne sais même pas où nous sommes. »

En annulant son pouvoir, il y eu à nouveau un très légé nuage rosé, cela se produisait à chaque fois qu’elle réapparaissait. Elle se remémora ce qu’on lui avait dit durant son éducation, sur le monde de dehors. Elle en savait si peu. D’autres avaient des pouvoirs… Mais est-ce que c’était bien vu ? En tout cas, à l’époque où ses parents avaient découvert son don, ce n’était pas une bonne nouvelle.

« Nous nous sommes à peine rencontré et je ne voudrais pas abuser de votre gentillesse mais… Vous pouvez me le dire, si c’est mal ou pas. D’utiliser un pouvoir. »


La jeune fille s'excusa. Nitsa ne savait pas vraiment pourquoi, sans doute pour l'avoir appelée "monsieur". Ce n'était pas la première fois, on l'avait plusieurs fois interpelée en disant des choses telles que "gamin" "jeune homme" "petite" et on lui avait même un jour demandé en milieu de matinée pourquoi elle n'était pas à l'école. Cela pouvait paraître vexant, mais elle y était habituée et certaines situations pouvaient même prêter à rire.
Dans tous les cas, elle haussa les épaules et répondit juste :

" Ce n'est rien."

La jeune fille se mit à disparaître tout en lui expliquant la raison pour laquelle elle n'avait pas de chaussures. C'était donc bien une mutante. Nitsa ne comprenait pas vraiment à quoi elle faisait référence mais elle semblait bel et bien s'être enfuie d'un endroit non loin de là ou elle était sans doute retenue contre son gré.
Elle réapparut dans une légère brume rose.

« Nous nous sommes à peine rencontré et je ne voudrais pas abuser de votre gentillesse mais… Vous pouvez me le dire, si c’est mal ou pas. D’utiliser un pouvoir. »

Cette étrangère dont elle ne connaissait toujours pas le nom ne devait sans doute pas avoir souvent mis les pieds dehors pour lui poser une question pareil.

"Il n'y a rien de mal à se servir ses pouvoirs tant qu'ils ne sont pas utilisés à mauvais escient. Seulement, ici c'est différent. "

Nitsa vérifia que personne n'était à proximité pour entendre ses propos avant de continuer.

"Le gouvernement fait croire à la population que nous sommes dangereux car il sait que nous sommes plus puissants que les humains sans pouvoirs. Il a peur qu'un jour nous ne prenions le controle de la ville. Alors pour éviter cela, il fait en sorte que nous soyons tués, chassés ou transformés en cobayes.
Nous ne sommes pas humains, nous sommes bien plus puissants.
Alors si utiliser ses pouvoir n'est pas mal, entre ces murs, il s'agit d'un terrible crime. "

Elle lui laissa un instant avant de lui demander

" D'où viens tu? Tu étais l'un de ces cobayes? "


Lia buvait les paroles de la blonde, allant de surprise en surprise. La situation dehors était si horrible… Tant de souffrances pour une question de puissance. La brune se sentait complètement en dehors de ce conflit, elle n’était PAS puissante du tout. Alors qu’on l’enferme, hors de question. Elle était resté trop longtemps confinée. Nitsa lui demanda si elle était « l’un de ces cobayes ». Lia n’osa pas imaginer ce que cela pouvait impliquer. Trop d’horreur à son goût.

« Non… J’ai été enfermée très longtemps mais ce n’était pas pour les mêmes raisons. C’est pour ça que je n’ai même pas de chaussures, je me suis enfuie. »

Elle ne rajouta pas qu’elle allait sans doute être recherchée par des nobles dans très peu de temps. Craindre de l’approcher d’un coup de peur d’avoir des ennuis ou au contraire être attiré par une potentielle rançon. Même si elle ne doutait presque pas des intentions de son interlocutrice, on ne sait jamais ce qui peut passer dans la tête de chacun.

« Mais personne ne se rebelle contre le gouvernement ? C’est si injuste... »