Tomber sur toi par hasard [Elriane / Newton]

Je sentais des gouttes de sueur couler sur son front. Encore une minutes, pas plus. Il fallait que le vendeur tourne le dos encore une minute, pour que j’aie le temps de m’emparer du légume que je convoitais. Je savais qu’il y avait de fortes chances que je me fasse repérer. C’était toujours comme ça, après tout. Je finissais toujours par être malchanceuse et à me faire attraper. Je tendis le bras discrètement, mais lorsque je resserrai ma main autour de la nourriture, n’entendis quelqu’un dire au vendeur :

- Attention ! Quelqu’un est en train de vous voler !

Oui, forcément. Il avait fallu que quelqu’un remarque. Mais bon, après tout, n’était-ce pas vrai que ce monde lui-même était ligué contre moi ? Que l’extérieur était fait pour me punir ? Bien que je commençais à remettre en question cette idée... Mon instinct continuait à me dire de me méfier.
Oui, forcément. Il avait fallu que quelqu’un remarque. Mais bon, après tout, n’était-ce pas vrai que ce monde lui-même était ligué contre moi ? Que l’extérieur était fait pour me punir ? Bien que je commençais à remettre en question cette idée... Mon instinct continuait à me dire de me méfier.
Le vendeur jura, et tenta de m’attraper de ses deux bras, alors je n’eus d’autre choix que de m’enfuir. Pourquoi est-ce que ça se terminait toujours comme ça ?
Je courus le plus vite que je pouvais, consciente de mes capacités physiques des plus réduites, et déambulai dans les ruelles mal formées du bidonville, que je connaissais par cœur pour les avoir vues avant. Angoissée, je ne regardais même plus où j’allais, me guidant seulement à l’aide de mes souvenirs des lieux - aide des plus utiles, si ce n’est qu’elle n’indiquait pas la position des autres personnes autour de moi...
Je sentis donc soudainement quelque chose stopper ma chute, un impact, et tombai au sol, entraînant quelqu’un dans ma chute. Je voulus me relever et reprendre ma fuite - je savais comment semer mon poursuivant, je l’avais déjà fait un grand nombre de fois... Et pourtant, mes jambes me lâchèrent et je m’affaissai au sol, aux côtés de l’individu que j’avais tantôt bousculé.

- Bon sang, pourquoi tu t’es mis en plein milieu de la route ? Tu pouvais pas te pousser ?

Je jurai et lançai un regard noir à l’homme. Cette fois-ci, je ne m’apitoierai pas. Je ne le ferai plus. Il était temps d’être - enfin - forte !



Newton s’était rendu dans la ville du dessous cette fois-ci. La veille même, on lui avait assigné la tâche de retrouver une mutante qui s’était échappée malencontreusement à cause d’inattention. Cependant il n’avait pas pesté et il ne s’était pas rebellé face à cette tâche qui s’avèrerait probablement difficile. Après tout, le brundinet était enrôlé pour ça. Et puis c’était toujours mieux de traquer que de se faire traquer. Alors il s’exécuterait simplement comme un idiot.

Le prédateur avait opté pour des ruelles obscures près du marché dans le bidon ville. Il était plutôt simple de se camoufler dans ce genre d’endroits et il était plutôt confiant. Il trouverait la rebelle et la ramènerait à l’empereur. Seulement, il n’eut pas le temps de faire grand chose puisqu’il sentit quelque chose l’extirper de ses pensées et le pousser au même moment. Surpris, il bascula et tomba avec ce qui lui sembla être une jeune fille. En découvrant de jolis cheveux blonds, Newton comprit que ce n’était pas sa cible alors il ne l’attaquerait pas. De plus, le ton qu’elle avait employé avec le jeune homme l’avait légèrement amusé. Elle était plutôt ridicule en fait, à brailler en plein milieu d’une rue. Cependant il ne se permit pas de le lui faire remarquer et il se contenta simplement de se relever avant d’entendre un autre homme pourchasser la jeune fille sûrement puisqu’il hurlait après elle en la traitant de voleuse. Le brun détailla l’inconnue qui l’avait heurtée et il remarqua enfin le légume qu’elle tenait dans sa main. Il soupira alors et lui attrapa la main alors que le bonhomme les approchait. Le brun lui arracha le légume de ses mains et le rendit à son aîné en s’inclinant poliment.

- Veuillez excuser ma sœur, elle est très malpolie.

Il échangea un regard avec la petite et dur même rembourser le marchand pour la gêne occasionnée et une fois tous les deux, le jeune homme en grommelant, lui faisant une pichenette sur le bout du net.

- T’es teubée ou t’es teubée pour voler de la nourriture ? C’est évident que tu vas te faire choper si tu rentres dans le premier venu.

Il soupira un instant puis reprit :

- Si t’as si faim que ça, viens. J’vais te payer de quoi te nourrir.

Newton avait beau être un traqueur, il avait un coeur et n’était pas si monstrueux que ce que pouvait laisser croire son rang.


Alors que je réussissais enfin à me relever, la personne que j’avais heurtée m’avait déjà pris le légume des mains et l’avait rendu au vendeur. Et voilà que j’avais perdu mon repas du jour. Très bien. Il semblerait que je doive faire sans. Je soupirai et m’apprêtai à m’en aller lorsque j’entendais l’homme me couvrir, m’appelant sa sœur et payant le dédommagement. Pourquoi ? Je l’avais bousculé. Insulté. Et il prenait la responsabilité de mes erreurs, moi, une inconnue dont il ne sait rien ? Voilà qui était surprenant. Soudain, il se tourna vers moi et me fit une pichenette sur le nez, m’insultant légèrement au passage. Mais quoi qu’il en dise, je n’avais pourtant pas le choix. Je devais voler. Sinon, je mourrais de faim, et je préférais éviter cette alternative.
Mais il me proposa alors de le suivre, et je ne pus m’empêcher de laisser échapper un petit couinement surpris. Il me proposait, alors qu’il avait déjà payé les dédommagements des problèmes que j’avais causé, d’aussi me payer à manger.

- Je... Merci. Mais pourquoi est-ce qu’un inconnu ferait ça pour moi ?

Je baissai la tête et fixai honteusement mes chaussures. Et dire que j’avais été aussi malpolie à son égard. Je l’avais tutoyé en lui criant qu’il aurait dû se pousser. Tout ça pour qu’au final...

- Je suis désolée pour ce que j’ai dit... Je... Je ne voulais pas être aussi agressive...

À vrai dire, si, mais ça, j’étais bien loin d’être prête à l’avouer.


Newt fut soulagé de voir que la jeune fille qui lui faisait face s’était calmée. Elle ne semblait plus agressive du tout, au contraire même, on aurait dit qu’elle s’en voulait de lui avoir parlé comme elle l’avait fait. Elle avait de la chance : le brundinet n’était pas rancunier. Elle semblait également le dévisager avec grand étonnement, comme s’il venait d’une autre planète. Avait-il fait quelque chose d’étrange ? Il lui avait juste proposé son aide.

- Tu me fais un peu pitié en fait.

Il lui avait répondu avec monotonie sans même hausser les sourcils. Il n’était ni moqueur, ni hautain, juste honnête. Elle lui faisait de la peine à rester seule et affamée dans ce bidonville au point de voler.

- C’est pas grave. Tu m’as pas vraiment impressionné en fait.

Il haussa les épaules puis il l’intima de le suivre. Il s’était rendu dans le premier petit magasin, même si ce dernier paraissait minimum, il y avait de quoi la nourriture. Du pain, des légumes, de la viande, des féculents. Il se rapprocha donc de son oreille pour lui murmurer tout simplement :

- Prends ce que tu veux et autant que tu veux. Je t’attends à la caisse.

Puis il l’avait contournée pour aller saluer le vendeur, gardant un œil sur sa protégée.


Il m’amena devant la boutique la plus proche, et m’avait simplement intimé de prendre ce que je voulais. « Ce que tu veux et autant que tu veux », avait-il dit. Cette personne... Avait-il vraiment beaucoup d’argent à donner ou était-il simplement excessivement généreux ? Je ne pouvais pas me permettre d’abuser. Peut-être certaines personnes auraient-elles profité et pris des rations pour plusieurs jours, mais... J’étais assez bien placée pour connaître la valeur de l’argent. Et il était juste hors de question que je prive autant quelqu’un.
Je m’avançai donc vers la vitrine et partit à la recherche d’une des nourritures les moins coûteuses que je puisse trouver. Mon choix s’arrêta sur une sorte de gros tas de pâte avec deux points bruns-noirs au milieu. Je n’en avais jamais vu, mais ce n’était pas bien cher. Je pris la chose et me déplaçai vers le comptoir, avant de donner la chose au généreux.

- Je voudrais ça... S’il vous plaît.

En vérité, je n’étais pas très attirée par ça, mais... Au diable les goûts personnels. Le plus important avait toujours été pour moi de me nourrir. Que ce soit quelque chose de bon était juste un bonus.

- Merci beaucoup...

J’avais du mal à comprendre d’où venait cette générosité, il disait qu’il avait un peu « pitié » de moi mais je n’arrivais pas à déterminer le sens de ce mot. Était-ce quelque chose de mal ou plutôt de bien ? Essayait-il de me duper, d’une façon ou d’une autre ?

Avais-je raison de lui faire confiance ?

Newt attendait la blonde sans rien dire, se contentant de la suivre des yeux. Il se demandait bien d’où elle venait et si voler était une habitude chez elle. Elle était tout de même sacrément fine et s’il pouvait se rendre utile en la remplissant ne serait ce qu’un peu, il aurait un peu plus la conscience tranquille, il avait l’impression d’avoir fait une bonne action.

Alors, quand elle revint avec simplement un paquet de pâtes, le brun haussa un sourcil tandis que l’autre se fronçait.

- T’es sûre de vouloir prendre ça ?

Newt avait attrapé le paquet entre les mains de la jeune fille et il l’avait inspecté avant de détecter des taches brunâtres louches à l’intérieur. Il se demandait sérieusement si c’était une plaisanterie ou si elle s’apprêtait à réellement prendre cette chose qui remettait en doute pleins de choses notamment le fait qu’elle soit comestible.

- T’as trouvé où ça ?

Il ne lui laissa pas le temps de répondre pour rechercher lui même dans les petits rayons du magasin, avant de tomber sur l’étiquette qui indiquait un prix minable. Révolté, il reposa le paquet parmi les autres en la toisant du regard.

- J’ai pas envie que tu tombes malade par ma faute alors fais pas ton économe et prends de la VRAIE nourriture. J’ai pas envie de payer des déchets.

Il attrapa des gâteaux, du pain et de vrais paquets de pâtes sans même lui demander son avis avant d’aller payer à la caisse.

- T’habites quelque part ici ?

Finit-il par demander calmement une fois sortis du magasin. Il pourrait la raccompagner et pourquoi pas cuisiner pour elle. Après tout, elle pourrait ainsi occuper sa longue et ennuyante journée.